Roll out 09 Tsigaro

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07/10/2016

À la découverte de l'Airvan



L'avion que je pilote est un Airvan. Si ses lignes n'ont rien de très sexy aux yeux des pilotes, il n'en est pas moins un avion efficace dans son domaine.



Gippsland Aero, le constructeur implanté dans la région proche de Melbourne en Australie vend certainement plus d'Airvan ici que partout ailleurs dans le monde. L'appareil rencontre un franc succès pour ses capacités à faire exactement le travail demandé ici à des coûts intéressants pour l'exploitant.
Le groupe indien Mahindra a racheté le constructeur il y a quelques années et en fait une jolie pub ici :

Gràce à ses sièges qui se démontent rapidement, il s'adapte facilement en cas de besoin pour du transport de fret uniquement, comme c'était le cas notamment en période de Noël pour  la livraison des camps.



Pour les passagers, l'avion offre une excellente visibilité grâce à ses grandes fenêtres bombées et son aile haute. De plus chaque passager a un siège contre une fenêtre et l'allée entre les sièges permet de ne pas être trop serrés. La rangée du fond offre un siège en face de l'allée ce qui laisse de la place pour les jambes des passagers les plus grands.


Par contre quand on l'observe d'un peu plus près il y a des détails qui font plus penser à la fabrication légère habituellement rencontrée dans la fabrication des ULM.
Le premier détail pour le pilote est la poignée de la porte. Elle est plutôt fine et pas très aérodynamique.



Ensuite, l'utilisation du scratch se fait rapidement remarquer. J'ai un jour cru avoir la mauvaise surprise d'avoir la colonne de contrôle endommagée. En fait sa partie supérieure est juste décorée avec une plaque cache-misère façon fibre de carbone qui fait un peu tuning. Sauf que la plaque est juste scratchée sur la colonne, donc quand elle se dé-scratche ça fait un peu  genre "le volant est tombé sur les jambes du pilote"... Pas sérieux!


A l'arrière, la fixation des ceintures passagers au plafond est un système d'attache rapide...qui se détache aussi rapidement. Pratique pour le personnel au sol qui a en charge le changement de configuration de l'appareil, mais ça fait moins classe quand l'attache de la ceinture tombe sur le siège. Heureusement, ça n'arrive pas en utilisation normale. En plus cette attache est comme la colonne de contrôle, masquée par un petit cache scratché au plafond. L'ensemble n'est donc pas toujours suffisamment robuste face à un embarquement/débarquement fréquent des passagers.



L'aspect technique vous intéresse?
Quand on pilote, il est important de connaitre les valeurs clés de son avion que l'on va trouver dans le manuel de vol.
En voici un condensé :
Avion de 8 places, mais avec les limitations de poids, le carburant et les bagages ne permettent pas au pilote d'embarquer plus de 5 passagers.
Il fait environ 1 tonne à vide et 2 à pleine charge.

Suivant les versions, il existe quelques variantes. Tous ici sont équipé de pods (soutes) optionnels sous le fuselage qui peuvent embarquer 200kg de fret maximum. Certains sont équipés d'une hélice bipale, d'autres tripale, et les plus récents sont équipés d'un GPS récent à écran tactile des plus pratiques.

Côté moteur, l'appareil est équipé d'un lycoming IO-540-1A5 de 300cv en configuration 6 cylindres à plat, injection directe et refroidissement à air.
Il consomme 60l/ heure en croisière ce qui lui donne avec ses réservoirs de 330l, 5h30 d'autonomie théorique!
C'est très pratique pour les calculs du pilote, puisque une minute de vol c'est 1L de carburant.
Sa vitesse de croisière est de 110kt (200km/h) on vole au maximum au FL 75, ce qui fait 1200m au-dessus du sol ici.


En place pilote, on a bien affaire à un avion utilitaire, rien de bien extraordinaire. Mais enfin à quoi peut-on s'attendre d'autre dans l'aviation de transport?
Niveau visibilité, le grand pare brise devant est plutôt efficace mais il a deux défauts majeurs : les courbures sur le côté forment 2 lignes où la vision est déformée ce qui est très désagréable quand on observe dans cette direction, comme un autre trafic par exemple. Il faut sans cesse pencher un peu la tête d'un côté ou de l'autre pour y voir clair. Pas vraiment plus pratique que s'il y avait un montant.
D'autre part, vu sa forme il évacue apparemment très peu la pluie ce qui n'aide pas pour la visibilité dans ce cas.
Il semblerait aussi que ses sièges provoquent des mal de dos après des périodes d'utilisation intense, mais enfin ça devrait pas être pire que le confort des vieux planeurs.

L'angle du pare-brise bien visible.

Le panneau central du tableau de bord a été orienté vers le pilote pour une lecture facile du bloc radio et GPS qui s'y trouvent. Par contre autant dire qu'en place droite au cours de la formation c'est beaucoup plus compliqué, le must étant la bille qui se trouve complètement à gauche et qui est donc tout à fait illisible. Le mieux est donc de demander au pilote : " et là elle dit quoi la bille?"
Mais enfin c'est tout à fait anecdotique, vu que seules les 50 premières heures d'observation du delta se font en place droite. Et là on est plutôt occupé à regarder la carte, observer le sol et écouter la radio plutôt qu'à lire les instruments.


Vue depuis la place droite.

Au final on l'apprécie surtout parce qu'il est facile à opérer, à charger et décharger.

Aviation et safari

Nos vols étant dédiés au tourisme local, le métier est indissociable de l'activité de safari, surtout quand on a au programme une nuit dans un camp.
Mi-juin j'ai eu l'occasion de découvrir le camp de Savute. (prononcer Savouti)

Arrivé en début d'après-midi, j'ai la chance de pouvoir partir en game drive. Les game drive proposés par tous les lodges et camps sont les tours en véhicule de safari accompagné d'un chauffeur-guide  à la recherche d'animaux à observer pour une durée en général de 3h.
Nous avons la chance entre autre d'assister à un début de chasse par 3 lionnes ayant repéré un groupe d'antilopes, qui finalement annulent leur chasse.
Les lionnes à l’affût.


Un peu plus loin une maman léopard et son petit offrent un spectacle très prisé.
Puis au coucher du soleil, on s'arrête pour une petite pause apéritif au cours de laquelle quelques girafes passent à proximité.
Savute, le seul secteur où l'on peut trouver un semblant de relief.
De retour au camp j'ai une place à table en terrasse avec les hôtes.  Le personnel entonne quelques chants traditionnels de bienvenue avant de nous servir un dîner semi-gastronomique, puis je rejoins ma chambre en tente préparée comme pour un client, avec le sentiment d'être très privilégié, c'est sûr!

La chambre des pilotes.
Mais il y a quand même un côté station de vacances.Même si j'ai bien conscience de faire la fine bouche, j'ai été mal habitué puisque ma seule comparaison est le lodge très exclusif de la compagnie à Mapula.
Ici à Savute la zone est plus fréquentée puisque accessible aux "self-drivers". On peut en effet y accéder avec son propre 4x4, sans guide! Ça doit avoir un côté plus aventureux de le faire par soi-même, mais quand on se retrouve à 10 voitures autour d'un animal ça gâche le plaisir.
Le camp, situé dans une zone très sèche pompe de l'eau en sous-terrain pour remplir un bassin devant le restaurant. Très agréable de contempler les animaux alors qu'on est à table, mais ça a un côté un peu artificiel. Quoique j'ai lu depuis dans un guide que ces bassins pouvaient avoir un effet positif par le fait qu'ils permettent de "disperser" les éléphants qui autrement seraient tous concentrés autour du peu de points d'eau naturels qui subsistent en saison sèche. On comprend quand on essaye d'en savoir un peu plus, que la relation à l'environnement et la vie sauvage est bien plus complexe qu'elle ne paraît au premier abord.

Embouteillage pour une photo de léopard, cette grande star.

Le bassin artificiel devant la terrasse au déjeuner.
Le lendemain, un chauffeur me ramène à la piste où je croise Julian. Après avoir partagé autant d'heures à la terrasse du café de l'aéroport de Maun dans l'attente de trouver un boulot, ça fait plaisir de se retrouver en pilotes!
Les retrouvailles.

Le métier qui rentre

Paysage typique dans le delta.
Début juin.
Au niveau technique je me sens à l'aise rapidement. L'expérience avant l'embauche et la formation locale font que quand on est mis en ligne, c'est parce qu’ils savent bien que la sécurité sera assurée.
Par contre niveau logistique c'est tout un monde que le jeune pilote de brousse que je suis découvre. Et comme on ne peut pas tout voir pendant la formation, je me retrouve rapidement confronté à des situations pour lesquelles les solutions à trouver ne sont pas toujours évidentes.

Feux dans le brousse

Nqogha channel
Ainsi j'ai eu la surprise un jour de voir arriver (en retard) plus de fret que l'avion ne pouvait en contenir.
Sur le papier, en masse, ça passait, mais question volume c'était pas ça. Après avoir joué au Tetris pendant une bonne dizaine de minutes et passé un coup de fil aux opérations, on est déjà bien en retard. Il est temps de partir et je n'ai pas d'autre choix que de laisser quelques cartons derrière moi.

Le soir même je passe la nuit au lodge que je livre et à mon arrivée en cuisine, la tête de la chef me fait comprendre la gravité de mon erreur. Dans les cartons laissés derrière, il y avait une partie du frais nécessaire à la préparation du repas du soir. Elle adaptera finalement un bon repas avec les moyens du bord, mais quand on sait le prix que payent les touristes pour venir dans ces lodges haut de gamme, on comprend le niveau d'exigence attendu. Mais pourquoi n'y-a-t-il pas un stock qui permette d'éviter ce genre de situations?

Après l'atterrissage, un peu de route puis transfert en bateau vers le lodge.

Ma chambre pour la nuit est pour une fois très basique.

Sur le chemin de la piste le matin.
Pas tout le monde peut se vanter d'aller au boulot comme ça!
Le lendemain avant de partir du lodge le manager me demande de changer de passager.
Pour le vol de retour vers Maun, j'ai 5 passagers, le maximum. 3 touristes japonais et 2 membres du staff du lodge. Un des staffs doit être remplacé par un autre. Je doute de la clarté de la situation, mais je sais m'adapter et un passager ou un autre, dans l'avion ça ne fait guère de différence pour moi. Mais une fois arrivé à l'avion c'est la confusion la plus totale, j'ai maintenant 3 membres de staff qui veulent rentrer sur Maun, c'est un de trop.
Bien sûr impossible de communiquer avec la base alors je m'en tiens aux noms listés sur mon planning et décolle. Ce n'est qu'après mon atterrissage que j'apprends que j'ai pris la bonne décision pour le choix des passagers... Mais que la prochaine fois je devrai embarquer le frais au profit du fret sec, quitte à ouvrir les cartons si le contenu n'y est pas affiché.


Un autre jour après une nuit à Kasane, mon planning m'amène à Maun après deux étapes dans le delta.
J'ai un couple au départ à emmener de Kasane vers un camp. En route on fait escale pour prendre un autre couple qui nous accompagne au camp puis que je continue d'emmener à Maun où ils ont une connexion avec un avion de ligne.

Rien d'exceptionnel, si ce n'est qu'1/2h avant le décollage je reçois un coup de fil du bureau : il faut s'attendre à un retard des premiers passagers!
Si ces passagers sont trop en retard, le plan changera et après avoir récupéré mon deuxième groupe je devrais d'abord filer sur Maun pour qu'ils ne ratent pas leur connexion et seulement enfin emmener le premier couple à leur camp. Sauf que pour les malheureux retardataires, ce changement double leur temps de vol, 3h au lieu d'1h30, pas sûr que ça les enchante.
On calcule donc une heure limite de décollage au-delà de laquelle le premier plan ne pourra pas être respecté.
Bien sûr les passagers n'arrivent pas plus tôt que 20mn avant l'heure fatidique. Le temps de passer la sécurité, charger l'avion et démarrer, tout va bien on est dans les clous.

Une zone qui a été brûlée avant d'être inondée.
Mais bien avant de décoller ça se complique. Un avion à l'atterrissage, un autre en approche finale, puis un ou deux autres dans la foulée en approche et nous voilà à poireauter au point d'attente qui n'a jamais aussi bien porté son nom et admirer le défilement ininterrompu de tout ce trafic.
Au final, le décollage a lieu 3 min trop tard. Arrivé à l'altitude de croisière, le vent est favorable, et le GPS m'annonce que je vais gagner 5 min sur le temps de vol prévu initialement. C'est suffisant mais c'est juste. J'expédie autant que je peux les deux escales, mais sur la dernière branche nous avons le vent plutôt de face. Au cours de la montée, je remarque que la vitesse sol diminue très progressivement. Arrivé en croisière ça se confirme, l'atterrissage est estimé 5min trop tard.
Je descends ma croisière d'un niveau où le vent de face est plus faible, la vitesse sol augmente à nouveau et finalement après un total de 2h30 de vol tendues à surveiller la montre, les passagers rejoignent la porte d'embarquement du terminal juste à temps. Le plaisir de la mission accomplie est là!